histoire — Ma vie commença réellement au moment où il croisa mon chemin… Je me souviens de cette nuit-là où abandonné parmi une cargaison détruite, j’allais être sauvé d’un destin funèbre… Mes parents étaient des gens plutôt pauvres qui ne se souciaient pas de leurs enfants. Je crois que nous étions deux ou trois… je ne me souviens plus vraiment de leurs visages, ni de leurs noms. Je ne suis même pas certain d’avoir des frères ou sœurs. Nous vivions en communauté, plusieurs familles partageaient le même toit. Je ne sais même pas si la personne que j’appelais « maman » était vraiment la mienne. J’étais trop petit pour comprendre le fonctionnement de ma communauté ou famille. Les mots se confondent, aujourd’hui encore. Je me rappelle que nous devions nous rendre à Dzag pour y vendre des récoltes et des babioles amassées ça et là. On m’avait permis de venir car comme j’étais le petit dernier, je serai plus facile à perdre dans une grande ville. J’étais la bouche de trop ! Mes parents préféraient m’abandonner plutôt que trouver une solution pour rester tous ensemble. Enveloppé dans ma couverture épaisse, serrant mon ours en peluche tout décousu contre mon cœur, je n’avais pas conscience que ce jour serait décisif pour moi. Nous avons eu un accident… Je ne me rappelle pas de tout ce qui s’est passé. Je me souviens que la nuit nous avait surpris, que mon père allait hurler et ma mère était partie en courant. Je me suis retrouvé sous le chariot dans l’espoir d’obtenir un peu de protection. Je pleurais tellement que je finis par avoir le hoquet. J’avais peur et froid. Je voulais rentrer chez moi… mais sans savoir que je n’avais plus rien au monde en dehors de ma couverture, mon ours en peluche et ce chariot pourri. Mon visage était tout rouge à force de pleurer, de hoqueter et de respirer comme je le pouvais. Je fus surpris quand on souleva ma couverture. Je regardais avec étonnement ce visage tout rond, ses yeux perçants qui m’observaient. Mon petit cœur battait fort dans ma poitrine et j’aurais dû comprendre à cet instant que ma vie ne serait plus jamais la même avec lui à mes côtés. L’inconnu me demanda de le suivre ce que je fis… Je ne sais pas pourquoi mais sa voix était rassurante, la chaleur de ses doigts autour de ma main me rappelait celle de mon papa. Sang Hun venait d’entrer dans ma vie pour ne jamais en sortir.

Mes journées auprès de papa et Sang Hun étaient bien différentes de celles appartenant à mon passé. Je pouvais courir derrière mon frère en hurlant sans me faire disputer car je faisais trop de bruit. On m’apprit à lire et écrire avant de m’envoyer suivre des cours à l’école. La lecture avait toujours été un exercice difficile pour moi car je devais me concentrer trop longtemps. Je ne tenais jamais en place alors il arrivait parfois que papa me fasse courir autour de la maison avant de commencer mes leçons. J’étais une petite pile électrique croisé avec un clown. On ne risquait pas de s’ennuyer quand j’étais là. Mes maitresses à l’école ne cessaient de hurler après moi car je faisais toujours des bêtises. On disait souvent à Sang Hun que j’étais différent de lui, qu’il était plus sage que moi. Cela avait le don de m’énerver. Je savais que mon frère était meilleur que moi, ce n’était pas la peine de me le rappeler. Je boudais énormément mais je n’étais jamais énervé après Sang Hun. Il était mon frère ! C’était lui qui m’avait recueilli ! Il est vrai que nous nous chamaillons parfois mais toujours dans la bonne humeur. Nous passons beaucoup de temps ensemble. Combien de fois sommes-nous partis dans la maison pour aller explorer les environs ? Combien de fois avons-nous été dans une situation délicate ? Souvent c’était ma faute car je n’arrivais pas toujours à contrôler mon trop plein d’énergie ou d’enthousiasme. Nous aimions le goût du risque, du danger.

Notre goût prononcé pour l’adrénaline me valut quelques blessures dont une au genou. Je fus obligé de rester immobile pendant un mois complet. Une véritable torture pour moi ! Mon frère était assez adorable pour rester près de moi le plus possible mais je devenais exécrable au fil des heures. Je n’aimais pas rester enfermé trop longtemps. Je voulais aller en ville, trouver une mission, un truc à faire. Rester sagement assis en attendant que le temps passe, c’était très peu pour moi. En revanche cet accident me permit seulement d’avoir l’occasion d’étudier un peu la médecine. Avoir des bases dans ce domaine serait un atout pour nous. Mon professeur était assez patient pour tolérer mes sautes d’humeur et mes nombreuses questions. Il faut avoir un tempérament en acier trempé pour parfois me supporter.

Notre père nous a tout appris de son métier, il n’était jamais avare de récits. Ses aventures me faisaient rêver ! Je voulais devenir comme lui : un archéologue. Avec Sang Hun, nous avons été des élèves studieux afin d’atteindre notre objectif. Nos méthodes étaient différentes mais nous entendions si bien qu’il ne nous était jamais venu à l’idée de ne pas travailler ensemble. Nous étions inséparables ! Notre père est désormais à la retraite, il a choisi de se reposer en élevant des poules et en cultivant son potager. J’aime beaucoup le regarder jardiner car il parle tout seul et parfois il chante. J’aime énormément cet homme à qui je dois tout. Sans lui, je n’aurais pas la vie que je mène aujourd’hui et je n’aurais pas eu de famille.

A 23 ans, je vis de ma passion… Certes ce n’est pas toujours évident mais je m’accroche. J’ai une famille que j’aime par-dessus tout et la vie devant moi…