Ce jour là Xiao Lu était un peu overbooké. Juste un peu. Malgré l’automne déjà bien entamé, il faisait plutôt bon et le soleil était présent, la formule parfaite pour avoir du monde à l’Azalea son café. Oh il ne s’en plaignait pas bien sûr, mais il devrait penser sérieusement à engager quelqu’un pour l’aider ne serait-ce qu’à servir. Il était derrière le bar à préparer les commandes, mais également à prendre les dites commandes et à les encaisser. Donc forcément par ce merveilleux temps, le café ne désemplissait pas à sa grande surprise. Heureusement que les gens étaient patients ici, sinon le pauvre Xiao Lu aurait fini par faire une crise d’angoisse. Non il gérait plutôt bien. Il avait pris l’habitude de noter les commandes sur un carnet, puis d’en réaliser plusieurs à la suite avant de les apporter aux différentes tables. Ca demandait de la rapidité et de la précision, mais Dieu merci il s’en sortait plutôt bien. A croire qu’il était vraiment fait pour ça. Honnêtement de toute la journée il n’avait cessé d’entendre la clochette de la porte et il n’avait qu’une envie, c’était malgré tout que la soirée arrive le plus vite possible. Contrairement à la majeure partie de l’après midi, la soirée était toujours plus calme, les gens préférant aller au restaurant plutôt qu’au café, et puis Xiao Lu ne faisait pas véritablement à manger. Il y avait quelques douceurs comme des muffins ou des cupcakes voir des cookies, mais jamais rien d’autres, ce n’est pas comme s’il avait le temps dans la journée de cuisiner énormément. D’ailleurs en parlant de douceur, prenant une énième commande, il attrapa un torchon qui trainait non loin derrière lui avant de sortir un plateau hors du four avec des fondants au chocolat. Le temps de préparer le macchiato et l’americano et il pourrait les mettre en évidence sous des cloches au dessus du bar près de la caisse enregistreuse.

Il eut ainsi le temps de faire encore deux services, et de prendre trois nouvelles commandes jusqu’au moment où il entendit une voix qui lui était familière. Relevant la tête de son carnet à l’entente de l’exclamation il eut un sourire pour le jeune homme qui lui demanda sa boisson habituelle. Le garçon Yi Shun de son prénom, venait souvent dans son café après les cours qu’il avait dans une école non loin, et comme le propriétaire du café, il ne buvait pas de café. Si c’était courant, c’était toujours assez étrange qu’un barista ne boive pas de café. Acquiesçant d’un signe de tête pour la commande de Shun, il se retourna vers son plan de travail pour commencer la préparation des dernières commandes. Heureusement il y avait de moins en moins de monde vers ces eaux-là. Une fois les différentes boissons réalisées, il les plaça sur son plateau en argent, et attrapa au passage une assiette pour y placer un de ces fameux fondants qu’il avait confectionnés dans l’heure. Déposant les tasses et les mugs aux différentes tables, Xiao Lu s’arrêta finalement devant celle de Shun avant d’y déposer son chocolat chaud ornementé d’une chantilly saupoudrée de cacao, et glissa le fondant devant lui avec un clin d’œil.

« Tu ne t’installes pas au bar aujourd’hui ? » demanda-t-il un sourire aux lèvres.

« Oh mon dieu, ça a l'air succulent ! » A l’exclamation du plus jeune, il eut un léger rire, faisant fi des regards des autres. Certes l’endroit respirait le calme et la convivialité mais il n’était pas rare d’avoir des étudiants ou des lycéens plus bruyants, alors si ce n’était que Shun à part les regards légèrement courroucés il n’aurait pas d’autres représailles. Et puis Xiao Lu aimait bien entendre des exclamations de joie dans son petit café. Il aimait entendre les rires des enfants, les paroles murmurées des couples dans le coin, et les discours un peu fou des étudiants qui refaisaient le monde. Oui il aimait voir l’endroit plein de vie, c’était sa petite fierté ce café après tout.

« Cadeau de la maison lui expliqua-t-il, le plateau contre son torse, son sourire tendre toujours sur ses lèvres. – Tu passes tellement souvent qu’une douceur de temps en temps ne fera pas de mal. »

Mais oui Xiao Lu était surpris de ne pas le voir à sa place habituelle sur l’un des tabourets le long du comptoir, ce qui rendait les discussions plus faciles et permettait bien souvent au barista de l’écouter tout en travaillant. Parfois il mettait même le jeune homme à contribution en lui demandant d’essuyer les tasses pour pouvoir les ranger dans les étagères au dessus de son plan de travail. « Je crois que je suis trop fatigué pour tenir sur un tabouret aujourd'hui. Une chaise et une table, c'est plus prudent. ? » Vu comme ça c’était compréhensible. Et puis les chaises de l’endroit étaient assez confortables, Xiao Lu ayant préféré mettre le prix lorsqu’il avait racheté le bâtiment et l’avait transformé en un café cosy sans savoir que l’endroit deviendrait si prisé.

« Tu crois que tu peux prendre une pause ? J'ai besoin de compagnie. » Au début Xiao Lu avait eu envie de décliner, il avait encore toutes les tasses à laver, le rangement de la réserve à finir, réorganiser le comptoir, compter la caisse, mais en voyant le regard quasiment suppliant de Yi Shun, il eut comme un léger soupir, il n’avait pas le cœur à lui refuser quelque chose avec un regard pareil. Regardant autour de lui, il remarqua que personne n’était rentré dans l’Azalea depuis. Acquiesçant finalement d’un signe de tête, il retourna pourtant vers son comptoir. Passant derrière celui-ci, il se prépara assez rapidement une tasse de chocolat chaud qu’il agrémenta d’une chantilly légère et d’un nappage de caramel. Une fois sa boisson terminée, il laissa son tablier sur le bord et alla s’installer à la table de Shun, sa tasse rejoignant celle du jeune homme. Ce n’était pas très professionnel de sa part le jeune barista en était conscient, mais ce n’est pas comme si il abandonnait son café, et puis il était son propre patron.

« Tu as de la chance que ce soit une heure creuse commenta-t-il avant de siroter à son tour son chocolat, un grand sourire éclairant ses lèvres face au savant mélange du chocolat avec la chantilly et la pointe de caramel. – Je devrais penser à engager quelqu’un à force … Cet endroit devient trop connu pour que je gère tout, tout seul. » Xiao Lu avait toujours eu une voix légère assez chantante mais surtout éthérée. Parfois on lui demandait même s’il avait le droit d’être derrière le comptoir avec sa petite taille, sa bouille d’enfant et sa voix légèrement fluette.

« Tu veux parler de quelque chose en particulier ? » continua-t-il doucement, non sans adresser un sourire rassurant à Yi Shun.